Revue de presse

Les Tablettes des Chanteroels
Du visible au disible ?

Du visible au disible ?

Le Courrier Philologique (Septembre 2003)

À une époque qu’il nous est pour l’instant difficile de dater, le système de séduction inhérent à la fonction de l’art était passé de la dimension sensible, surtout visuelle, à la dimension intellectuelle (interprétation, concept). Autrement dit, l’énoncé verbal avait probablement pris la place de l’art lui-même, du moins, tel qu’on le concevait auparavant. Il semblerait en conséquence que le créateur des tablettes trouvées dans l’est de la France (Alsace) au lotissement dit des Chanteroels, se soit surtout évertué à matérialiser visiblement l’entendement oral de l’art de l’époque (c’est à dire le discours), en jouant sur des leurres de séduction. Pour cela, il a créé de fausses œuvres discursives construites graphiquement sur l’idée qu’il se faisait du langage. En d’autres termes, l’auteur inconnu de ce texte apocryphe que ne renieraient ni Parménide ni Wittgenstein, s’appuyait à l’époque sur des éléments appartenant à la vie quotidienne (charrue, maison, soleil…), comme le font aujourd’hui les fils spirituels de Duchamp lorsqu’ils utilisent une voiture, un lavabo, une poubelle. La conséquence de cette analyse nous mène tout droit à l’interprétation que l’on peut faire de la fable portée sur les stèles du chantier des Chanteroels. Devenus des archétypes, les clichés sur lesquels s’appuient les graphismes des tablettes auraient à l’époque permis de faire naître les fonctions émergentes du langage. Celles-ci tendraient à faire entendre qu’un chat, effectivement, ne serait pas forcément un chat, même si, toutefois, il pourrait l’être ! (R. Mutt)